Descriptif de la formation

Depuis une dizaine d'années, réaliser des enquêtes en sciences sociales et humaines est de moins en moins QUAUMOD. En effet, plusieurs événements ont marqué notre société et ont impacté les pratiques d’enquête SHS : attentats, mouvements gilets jaunes, ou les conséquences de la Covid-19. Ces faits ont souvent incité la communauté scientifique à complexifier ses campagnes de terrain par l’articulation de plusieurs méthodologies et/ou à saisir des temporalités courtes ou réduites des événements. On observe dans le même temps une volonté d’archiver les réactions matérielles ou numériques de la société civile, et de documenter ainsi le temps présent. L’impératif du terrain est bousculé par les nouvelles questions sociales, environnementales ou sanitaires. Ces premiers constats coïncident avec le renforcement des contraintes sur la protection des données à caractère personnel lié au RGPD (trait caractéristique et particulièrement contraignant des données collectées en SHS), avec l'évolution de l’accès aux données de la recherche (science ouverte) et enfin avec de nouvelles formes de production scientifique, comme la science participative et collective.

Par ailleurs, l’organisation de la recherche est grandement facilitée grâce aux évolutions informatiques qui permettent le travail en équipes, y compris très dispersées géographiquement. Qu’il s’agisse de visioconférences, de documents partagés en temps réel, de codes de traitement statistiques synchronisés automatiquement entre plusieurs chercheurs, ou encore de transcriptions automatiques de données sonores, les personnels de recherche ont à leur disposition de nouveaux outils puissants, permettant des enquêtes sur ces données massives et débouchant sur l’étude d’objets numériques divers et variés (comme notamment les « traces » informatiques de leurs objets d’études). Il convient désormais de prendre du recul et de s’interroger de manière réflexive sur les usages de ces outils pour évaluer leur efficacité. En effet, les outils informatiques permettent des enquêtes de terrain à moindre coût, citons par exemple le web scraping, ou encore l'utilisation d’enquêtes en ligne au moyen de logiciels qui paraissent faciles à mettre en œuvre. A l’inverse, des budgets plus conséquents entraînent une nécessité de coordination, d’anticipation et de gestion des données. L’élaboration et la gestion des enquêtes dépendent en partie des moyens à disposition induite par une polarisation des budgets suite à d’éventuels financements de type ANR ou européens. Enfin, les financeurs incitent souvent à non seulement constituer des équipes de taille importante, mais aussi à diversifier les origines disciplinaires : construire un matériau cohérent et utilisable par tous et à long terme dans ces conditions est un défi.

 

Objectifs scientifiques

Réfléchir ensemble aux implications scientifiques, épistémologiques et déontologiques des enquêtes réalisées sur des “sujets brûlants” ou dans des temporalités courtes et par conséquent.

  • consolider les bonnes pratiques et identifier les options disponibles pour la mise en œuvre de ces projets scientifiques à fort impact sociétal.
  • Identifier de manière collégiale des pratiques facilitant la mise en œuvre et le développement de l’interdisciplinarité dans la production ou le recueil des données pour qu’à la fois elle soit utile au projet (et non un simple affichage) mais également qu’elle permette à chaque discipline représentée de pouvoir in fine utiliser le matériau recueilli.
  • Partager les retours d’expériences de projets interdisciplinaires en termes d’analyses de matériaux, qui respectent la pluralité des regards et dépassent une juxtaposition d’analyse disciplinaire.
  • Mutualiser et consolider les connaissances sur l’utilisation des outils de partage de données et de collaboration tout en respectant le RGPD.
  • Sensibiliser à l’utilité de penser les principes de la science ouverte dès la conception du projet (et non pas à la fin de celui-ci) et à penser dans des temporalités différentes recherche fondamentale et recherche appliquée.
  • Favoriser le partage d’expérience et ainsi l’émergence de nouvelles thématiques comme, possiblement, d’une nouvelle forme d’expertise professionnelle pour les métiers d’aide et de support à la recherche.

Cette école thématique vise essentiellement à consolider, partager et transmettre les savoirs et savoir-faire pour mener à bien des recherches de qualité dans l’urgence de l’actualité et des appels à projet. Même si cette formation ne pourra de toutes évidences répondre à toutes les questions liées à cette injonction qui semble contradictoire, le dispositif de l’école thématique offre un cadre idéal, de temps long de la formation en immersion pour identifier des jalons essentiels et éviter des difficultés fréquemment vécues grâce aux retours d’expériences. Elle ambitionne de proposer un socle de méthodes et de solutions pour aider les jeunes (et moins jeunes) chercheurs à relever les défis de la recherche actuelle. Certaines sessions seront explicitement organisées autour des expériences des participants (via un appel à propositions une fois les participants sélectionnés ; les sessions partagées seront préparées en amont avec un membre du comité d’organisation ou du conseil scientifique). Le partage des retours d’expériences, sur le mode de la masterclass, sera d’autant plus facilité par une présence sur l’intégralité de la semaine de l’ensemble des participants et des intervenants.

Outre les dispositifs cités visant les partages d’expériences et d’informations, les après-midis seront structurés autour de formats plus pratiques qui permettront de former les stagiaires à des outils, logiciels, méthodologies ainsi qu’à la représentation. La maîtrise parfaite d’un outil ou logiciel nécessite du temps, à défaut de connaître parfaitement les solutions proposées, les stagiaires bénéficieront a minima d’une initiation/découverte à ces logiciels ou outils utiles et surtout s’approprieront une démarche réflexive porteuse de solutions.

 

Axes du programme

Axe I : Sujets brûlants et distance (de sécurité) à l’objet

  • Comment travailler sur un sujet d’actualité brûlant (comme les attentats, le confinement ou les gilets jaunes) et maintenir une distance épistémologique minimale à son objet de recherche ?
  • Comment travailler avec des délais serrés (comme les ANR Flash) tout en conservant les exigences propres à la recherche scientifique ?
  • Comment gérer un rapport de proximité inhabituel entre les SHS et le politique ? Comment éviter l’instrumentalisation des chercheurs ?

 

Axe II : Penser l’hybridation de méthodes intra et interdisciplinaires pour un réel apport analytique

  • Comment co-construire ensemble pour garantir un apport mutuel et cumulatif des différentes disciplines et ainsi éviter la simple juxtaposition d’apports disciplinaires ?
  • Comment adopter des langages communs dans le cadre de consortium de recherche interdisciplinaires ?
  • Quelles méthodologies mettre en place pour anticiper, dès le recueil du matériau, ce qui sera nécessaire lors de la mise en commun et de l’analyse de matériaux issus d’univers disciplinaires différents ?
  • Comment s’assurer que le matériau finalement recueilli puisse être utilisé par les chercheurs de toutes les disciplines impliquées dans le projet ?

 

Axe III : Recueillir et produire du matériau dans le respect des principes du FAIR et du RGDP :

  • Rappel opérationnel des connaissances et compétences de base concernant les plans de gestion des données (PGD/ DMP), les principes FAIR, le RGPD et la Science Ouverte.
  • Quels outils et quelles méthodologies mettre en œuvre pour prévoir dès la rédaction du projet le respect des principes FAIR et du RGPD ?
  • Comment mettre en œuvre un questionnaire en ligne ou observer les phénomènes en ligne (“web scraper”) tout en respectant le RGPD ?
  • Connaître les prérequis pour a minima signaler un jeu de données, voir le déposer dans un entrepôt de données pour en assurer une diffusion et un archivage pérenne (PROGEDO)

 

Axe IV : Travailler en équipe y compris spatialement distante en intégrant des règles éthiques et de propriété intellectuelle

  • Focus sur le management d’équipe et de projet
  • Présentation d’outils de travail collaboratif sécurisé (Huma-Num notamment)
  • Comment réussir à recueillir et analyser du matériau à partir d’un protocole qui assurera la comparabilité du matériau produit par les différents membres de l’équipe ?
  • Comment répartir les bénéfices du travail de terrain dans une équipe qui mélange les statuts et notamment intègre des non-statutaires ? Qui est propriétaire de quoi ? Comment publier en respectant le travail de chacun ?

 

Axe V transversal : Partager du matériau, du traitement et des analyses dans le respect du RGDP

  • Apprendre à manipuler les outils de partage de données sécurisés et respecter le RGPD. Quels outils pouvons-nous utiliser ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ?
  • Apprendre à ne partager que ce qui doit et peut l’être, comment et quand gérer l’anonymisation des matériaux ; peut-on tout partager avec ses collègues ?
  • Apprendre à utiliser les outils collaboratifs pour le traitement des données : focus sur GitHub pour les traitements statistiques, et sur des outils d’analyse qualitative supportant le mode collaboratif.

 

 

 

 

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